L’activité tenue le 26 octobre dernier a permis à la CEA de sensibiliser les Etats, les experts, les institutions financières et internationales, les communautés économiques régionales, les chercheurs, le secteur privé et la société civile sur les enjeux et opportunités du consortium pour la mobilisation du capital naturel comme véhicule d’accélération de l’industrialisation et de la diversification économique en Afrique centrale. « L’enjeu est de militer pour la promotion de l’économie bleue. Conscient des enjeux climatiques, il est urgent de souscrire au consortium. C’est un appel à devenir éco-citoyen. Il faut que les gens changement de comportement pour augmenter la prise de conscience », a expliqué le chef de section des initiatives sous-régionales au bureau de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) pour l’Afrique centrale, Dr. Adama Ekberg Coulibaly.
Les trois bassins qui représentent 80% du couvert forestier à protéger sont d’accord pour parler d’une seule voix, pour avoir une vision commune autour du consortium qui a emporté l’adhésion des participants. Le projet relatif à la valorisation du capital naturel dormant en capitaux pour des investissements productifs est porté par la CEEAC et la CEMAC, sous l’accompagnement de la CEA. La Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC) a entièrement souscrit au projet sur le consortium. « Quand on va lancer les titres, la BDEAC sera la banque leader pour réceptionner les fonds qui seront utilisés pour financer les projets prioritaires », a indiqué l’économiste.
Le capital naturel, une tontine populaire de classe mondiale
La présentation de la CEA a davantage mis un point d’honneur sur les enjeux, les conditions et classes de membres. De l’avis du Dr. Adama Ekberg Coulibaly, l’on aura affaire à une grande tontine populaire de classe mondiale, où tout le monde peut être membre du consortium, à travers la manière d’agir, de consommer et de produire. Il y aura les membres avec droit de vote, c’est-à-dire les fondateurs du consortium et les membres sans droit de vote qui sont juste des investisseurs d’impact. Il y a une autre catégorie de membres constitués de personnes qui veulent investir dans la nature.
Il y a également la classe des pays, des institutions, des entreprises. Ainsi que des institutions comme la FAO ou la CEA qui sont des membres observateurs. « En Afrique, les Etats membres qui sont dans la zone CEEAC et font partie du Bassin du Congo sont les pays propriétaires du consortium et ont le droit de vote. Les pays qui ne sont pas directement liés au Bassin du Congo (Afrique de l’Ouest, du Nord, de l’Est) sont aussi concernés, car toutes les activités réalisées sur le continent et polluant l’air sont apurées par le bassin forestier du Congo. A la seule différence qu’ils n’ont pas de pouvoir de décision », explique Dr. Adama.
Les enjeux autour de la plus-value du capital naturel
Le consortium sur le capital naturel est un espace de coopération régionale qui permet d’opérer des réflexions stratégiques sur la transformation de l’ensemble du patrimoine naturel en richesse réelle, au-delà du marché carbone. Le mécanisme prévoit une évaluation et une valorisation de ce patrimoine commun pour mobiliser des financements nécessaires aux projets industriels. Il a également pour but de favoriser une position unique de la sous-région dans les négociations internationales sur le climat. Par ailleurs, le consortium offre l’opportunité de mener une réflexion approfondie sur la fixation des prix du marché carbone, afin de déterminer les prix justes des autres richesses naturelles.
Il y a des possibilités de financement. D’après les experts de la CEA, si le prix du carbone est fixé à 50 dollars USD par tonne, près de 30 milliards dollars USD peuvent être collectés par an. Avec une évaluation de 120 dollars USD la tonne, le continent pourrait engranger 82 milliards dollars USD sur la base de la seule valorisation et juste évaluation du carbone. En termes d’emplois potentiels, la mise en place du véhicule pourrait en générer cinq millions. En bout de chaîne, l’ambition est de tendre vers une croissance verte, avec des projections de diminution des émissions de carbone de 9,7 millions de tonnes.
Dans le contexte actuel de bouleversements climatiques à l’échelle mondiale, le Bassin du Congo fait l’objet de convoitises. Avec ses 530 millions d’hectares de superficie totale et 227 millions d’hectares de forêt, le bassin du Congo constitue un atout majeur pour la région d’Afrique Centrale, lâche Dr. Adama. Au point de constituer un levier névralgique pour la création d’un marché carbone dans la sous-région.
La vérité des chiffres appelle à une mobilisation collective
Les présentations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) lors du Sommet du Congo n’ont laissé personne indifférente. L’expert de l’institution onusienne, Christophe Besacier, relevait fort à propos qu’une superficie de 420 millions d’hectares de forêts a été perdue dans le monde depuis 1990, à cause de la déforestation. Et même si cette perte a connu une diminution, les voyants sont toujours au rouge. «Le taux annuel de la déforestation est estimé à 10 millions d’hectares par an contre 12 000 hectares sur la période précédente. C’est toujours alarmant, mais on progresse », a précisé l’expert.
Même si la déforestation a atteint une grande proportion, la FAO refuse d’être alarmiste. Des signes positifs en termes d’actions permettent d’entretenir l’espoir. A en croire le dernier rapport sur l’évaluation des ressources forestières mondiales qui montre des résultats positifs. D’après la situation actuelle des aires protégées, l’objectif va dépasser pour la biodiversité au moins 17% de la superficie terrestre avec à l’échelle mondiale plus de 18% de la superficie mondiale, soit 70 000 hectares qui sont actuellement dans les zones légalement protégées (parcs zoologiques nationaux, zones de faune à usage créatif, etc.).
La FAO ajoute une évolution positive de la gestion forestière en termes de durabilité. M. Besacier est péremptoire à ce sujet : la moitié des superficies forestières mondiales sont dotées du plan de gestion durable. « Depuis les années 2000, on constate que moins de 25% de la superficie forestière d’Afrique et d’Amérique du sud font l’objet du plan de gestion à long terme. Il existe une marge de progrès de gestion dans ces deux régions », poursuit-il.